CHAPITRE 18
Dahlia était assise en tailleur sur le sol et faisait léviter plusieurs sphères de quartz rose sous ses doigts. Elle ne prêtait aucune attention aux hommes attroupés autour d’elle, dont Max, qui la regardait faire, totalement éberlué.
— Vous avez vu ça ? Vous en êtes capables aussi ? demanda-t-il.
Kaden haussa les épaules.
— On n’a pas encore essayé, mais on en a bien l’intention, admit-il.
Dahlia leva les yeux vers lui et éclata de rire. La camaraderie avait du bon, et c’était une chose qui lui avait manqué toute sa vie.
— Je tiens à être présente ce jour-là, déclara-t-elle.
— Tu peux tenir à tout ce que tu veux, mais ne rêve pas, protesta Sam. Tu te moquerais de nous, et c’est hors de question.
— Les hommes ne sont que de gros bébés.
Dahlia regarda Nicolas. Il terminait une longue conversation téléphonique avec Lily et Ryland, et avait le visage fermé. Ses yeux étaient durs et froids, et elle savait qu’il était toujours contrarié par les risques qu’il avait fait courir à ses hommes en pénétrant dans la maison de l’agent sans avoir pris assez de précautions. Sans avoir su que les jumeaux Norton s’y trouvaient.
Max avait insisté pour être tenu au courant de tout ce qu’ils feraient, ce à quoi personne n’avait objecté. Il n’était pas vraiment considéré comme leur prisonnier et pouvait se déplacer librement dans l’appartement que Lily avait mis à leur disposition. Il essayait d’écouter ce qui se disait et traînait autour de Nicolas en faisant nerveusement les cent pas.
Nicolas reposa le combiné et se tourna vers les autres. Toutes les conversations s’interrompirent immédiatement.
— Calhoun ne va pas très bien. L’état de ses jambes est inquiétant. Ils l’ont opéré une deuxième fois, mais elles sont très endommagées, surtout en dessous des genoux. (Il se passa la main sur le visage). Les informations de Louise Charter étaient exactes. Les médecins pensent qu’il ne remarchera jamais.
Max se détourna du groupe et regarda par la fenêtre. Dahlia resta assise, immobile, et absorba la flambée d’énergie pendant que les hommes tentaient d’étouffer leurs propres émotions. Elle ne pouvait pas faire taire les siennes. Elle posa le bout des doigts sur ses paupières.
— Je n’arrive pas à y croire.
Nicolas s’approcha immédiatement de la jeune femme et se plaça derrière elle, une main sur son épaule, pour tenter de la réconforter et de la soulager de l’énergie.
— Nous savions que son état était grave, Dahlia. Au moins, il est en vie.
Elle préféra ne rien répondre. Elle avait espéré un miracle, et il s’en était d’ailleurs produit un : Jesse était toujours vivant. Au fond d’elle-même, elle avait su que ses jambes étaient beaucoup trop endommagées pour guérir, mais elle avait tout de même gardé espoir.
Nicolas s’agenouilla à ses côtés.
— Lily fera en sorte qu’il soit soigné par les meilleurs médecins, et qu’il soit protégé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle fera tout son possible, et même au-delà, parce qu’elle sait qu’il compte beaucoup pour toi. Regarde-moi, kiciciyapi mitawa. Je dis la vérité. Elle ne le laissera pas mourir.
Dahlia retint les larmes qui semblaient prêtes à couler. Était-ce parce qu’elle se reposait sur la force de Nicolas ? Elle n’en savait rien, et d’ailleurs elle s’en moquait. Elle regarda dans ses yeux, dans son cœur… et s’y vit. Elle lui sourit.
— Je commence à croire en elle. En les GhostWalkers.
Nicolas lui ébouriffa les cheveux et retourna près du bureau.
— Nous avons rapporté des photos appartenant à Louise Charter, déclara-t-il en les montrant à la ronde. Est-ce que tout le monde les a examinées ?
— Pas moi, dit Dahlia en tendant la main.
Kaden les lui passa.
— Il y en a beaucoup de Martin Howard.
— Est-ce que Lily a des informations sur lui ? demanda-t-elle.
— Martin est l’un de mes amis, l’interrompit Max. C’est un ancien officier des Bérets verts, et une personne sur laquelle j’ai toujours pu compter. C’est quelqu’un de bien, qui sert son pays depuis ses dix-huit ans, déclara-t-il d’une voix dure.
Nicolas lui adressa un regard froid et sévère.
— Personne n’a envie de soupçonner ses amis, Maxwell. Si c’est au-dessus de vos forces, nous le comprendrons parfaitement.
Sa voix restait neutre, mais Dahlia grimaça en entendant cette réprimande. Max ravala un juron et retourna à la fenêtre.
— Lily a trouvé quelques détails intéressants, poursuivit Nicolas. Martin Howard n’est pas son nom de naissance, et Louise Charter n’a pas de liaison avec lui. Apparemment, Martin vient d’une petite famille mafieuse qui vit ici, à Detroit. Il s’appelle en fait Stefan Martinelli, et Louise est la cousine de sa mère. À la mort de ses parents à la suite d’un accident de voiture, Louise et son mari l’ont accueilli chez eux avec ses quatre frères et se sont chargés de les élever.
— Ce qui explique pourquoi il est toujours chez elle, et pourquoi il apparaît sur autant de photos, dit Max en croisant les bras.
— Oui, convint Nicolas. Pour faire court, Martin a changé son nom et celui de ses quatre frères pour les éloigner des activités de leurs parents. Ils ont vécu dans le Maryland, à proximité de Louise et Geoffrey Charter, jusqu’à leur sortie de l’université. Ils ont eu quelques petits démêlés avec la justice, mais Geoffrey les en a tirés chaque fois.
Max s’appuya contre le mur.
— Donc il vient d’une famille italienne liée à la Mafia, mais apparemment a fait tout son possible pour éviter que ses frères et lui retombent dans ce genre de vie.
Kaden lança un regard furtif à Max.
— C’est ce qu’il semblerait, en effet. Qu’est-ce que Lily a trouvé d’autre, Nico ?
— Les cinq frères sont entrés dans l’armée. Martin s’est engagé le premier, et les autres ont suivi. La plupart d’entre eux sont d’abord allés à l’université, mais Martin s’est lancé dans les études après s’être engagé. Il a financé les études de ses frères, avec l’aide des Charter.
Nicolas regarda Max.
— Je sais qu’il a été mêlé à deux ou trois bagarres, dit ce dernier. Mais ce sont des choses qui arrivent à tout le monde, non ?
— Est-ce que vous saviez que son frère Roman avait fait une dizaine de séjours en prison, et qu’il avait été dégradé plusieurs fois ? Apparemment, il sème la pagaille partout où il passe, dans son service comme en dehors.
— Que voulez-vous, toutes les familles ont un mouton noir, dit Max.
— Moi, je n’ai pas de famille, objecta Dahlia.
— Ma chère, s’exclama Gator, la main sur le cœur. Tu recommences à nier les liens qui nous unissent.
Dahlia sourit et lui envoya un baiser.
Nicolas lança un regard noir à Gator, qui se contenta de lui faire un clin d’œil accompagné de son plus beau sourire de voyou.
— Arrête de provoquer le tigre, lui conseilla Kaden.
— Les alligators mangent des tigres au petit déjeuner, se vanta Gator en montrant ses dents blanches, la hanche négligemment appuyée contre le mur jouxtant la porte.
Le couteau jaillit de nulle part, fendant l’air trop vite pour être suivi à l’œil nu, et se figea dans le mur en y clouant quelques mèches des cheveux noirs et brillants du Cajun.
Tout le monde éclata de rire, sauf Dahlia qui fixait de ses yeux horrifiés la lame enfoncée dans le mur jusqu’à la garde. Elle n’avait pas perçu la moindre flambée d’énergie, qu’elle soit violente ou d’une tout autre nature. Nicolas la regarda d’un air innocent. Gator haussa ses larges épaules sans cesser de sourire, comme s’il n’y avait rien d’extraordinaire à ce qu’on lui lance des couteaux.
— Vous êtes tous malades, déclara-t-elle. Ce n’était pas drôle.
— En fait, si, ’tite sœur, répondit Gator en tirant sur le couteau pour le dégager.
Il se dirigea nonchalamment vers Nicolas et lui rendit son arme en la lui présentant par le manche.
— Je n’hésiterais pas une seule seconde à me battre pour toi, petite sœur, et si ce n’est pas le cas de ton amoureux, c’est qu’il n’est qu’une lavette.
Dahlia fronça les sourcils à leur intention.
— C’est miraculeux que vous soyez tous encore en vie, dit-elle en commençant à étudier les photos. Au fait, lorsque j’entrerai dans le bâtiment cette nuit, je ne veux personne à proximité. Vous vous faites tous trop de souci pour moi, surtout Nicolas, et je ne peux pas risquer une explosion d’énergie. Vous devrez tous rester à distance.
Nicolas leva les sourcils, ses traits durs dénués de la moindre expression.
— Ce n’est pas sympa, dit Sam.
— Il n’en est pas question, objecta simultanément Kaden.
Gator éclata de rire.
— Eh bien, ma chère, on dirait que ton sens de l’humour s’améliore depuis que tu nous fréquentes. Ou bien tu cherches à donner une crise cardiaque à Nico ? ajouta-t-il avec un large sourire.
Sans prêter attention à lui, elle se tourna vers Max.
— Ils semblent oublier que j’ai survécu des années sans eux.
— Qu’est-ce que tu as l’intention de faire, Dahlia ? demanda Max.
Le silence se fit d’un seul coup, et tous les yeux se braquèrent sur elle.
— Euh, en fait, je ne sais pas trop, Max. Du travail, je suppose. Tu sais, ces missions classées secret défense que nous exécutons tous les deux.
— Jesse n’est pourtant pas là pour te donner des ordres.
— Bien vu, mais c’est parce qu’il est à l’hôpital quelque part, et je vais trouver qui l’y a envoyé.
Les yeux de Dahlia se mirent à scintiller comme des diamants noirs.
— Ils ont tué Milly et Bernadette, Max. Et je finis mon travail.
— As-tu parlé à l’amiral ?
— Je n’ai pas besoin de lui parler pour terminer ma mission.
Max secoua la tête et regarda Nicolas.
— Et ça ne te dérange pas ?
Avant que le sniper ait eu le temps de répondre, Dahlia foudroya Max du regard.
— Il n’a rien à voir là-dedans. Il ne travaille pas pour le NCIS, contrairement à moi. Ce n’est pas mon patron. Arrête tes intimidations, parce que ça me tape franchement sur les nerfs.
C’était bien le cas, en effet. Sa mauvaise humeur montait au diapason du taux de testostérone qui emplissait la pièce.
Nicolas était heureux de voir que la vraie Dahlia était de retour. Elle ne battait en retraite devant personne. De toute façon, il était hors de question qu’elle pénètre dans un bâtiment aussi dangereux que celui de Lombard Inc. Sans les GhostWalkers pour veiller sur elle, mais il ne servait à rien d’en discuter. Il n’avait pas l’intention de céder, et elle non plus. Forcer les hommes à maîtriser leurs émotions sur le terrain serait un bon entraînement. Ses yeux croisèrent ceux de Maxwell. Ce dernier se détendit immédiatement avec un petit hochement de tête pour signifier qu’il comprenait.
— Rien d’intéressant sur ces photos ? demanda Tucker. Je les ai regardées, mais je me suis plus concentré sur les lieux que sur les gens. Je sais que tu ne penses pas que Charter soit impliquée, mais j’ai tout de même trouvé ceci.
Il passa un stylo à Max pour qu’il le transmette à Dahlia.
Le pilote retint une exclamation lorsqu’il vit les mots « Lombard Inc. » inscrits dessus. Sans un mot, il tendit le stylo à Dahlia.
Cette dernière le prit à contrecœur et le fit tourner entre ses doigts.
— N’importe qui a pu le lui donner. On en trouve partout. C’est une grosse société.
— C’est un lien entre l’entreprise et elle, dit Nicolas. Et Martin.
— Que savez-vous d’autre sur lui ? demanda Max.
— Lily ne fait pas les choses à moitié. Nous savons tout, de ses bulletins de notes à ses missions secrètes, mais ce qui m’intéresse le plus, ce sont ses relations avec sa famille. C’est un homme extrêmement loyal. Non seulement envers ses frères, mais aussi envers Louise Charter. Je pense que c’est sincère. À mon avis, il doit témoigner de la même loyauté pour son pays, pour le NCIS et pour ses amis, songea Nicolas à voix haute.
Kaden hocha la tête.
— Je vois où tu veux en venir.
— Pas moi, dit Dahlia. Es-tu en train d’éliminer nos seuls suspects ?
— Qui d’autre Louise reçoit-elle, Dahlia ? demanda Nicolas. Qui peut se rendre chez elle aussi régulièrement ?
Les doigts de la jeune femme se crispèrent sur les photos.
— Mais comment obtiendraient-ils des renseignements protégés ? Louise me connaît, elle sait ce qu’elle a le droit de me dire, mais la seule chose qu’elle m’ait révélée au cours de notre conversation, c’est l’état de santé de Jesse, et seulement parce qu’elle n’avait pas reçu pour instruction de le garder pour elle. Jamais elle ne trahirait les secrets du gouvernement, pas même avec un homme qu’elle considère comme son fils, assura Dahlia en secouant la tête. Je ne connais pas Martin Howard, mais s’il est aussi fiable que vous le dites tous, je ne l’imagine pas très bavard lui non plus.
— Crois-moi, il ne dirait pas un mot, même par accident, affirma Max.
— Non, mais ses frères ont probablement accès à la fois au domicile et au bureau de Louise, expliqua Kaden. Elle les laisse certainement venir la voir à son travail ou déjeuner avec elle. Ce doit être la même chose avec Martin. Qui soupçonnerait un neveu de poser des mouchards ? Les techniciens vérifient les ordinateurs, mais vu le niveau de sécurité du reste des bâtiments, il est peu probable que les bureaux soient souvent contrôlés. Même si l’on trouve un mouchard sur le téléphone de la secrétaire, ou que son ordinateur est attaqué, soupçonnerait-on vraiment un membre de sa famille ? Je pense que cette tactique serait très efficace : il passe la chercher, ils déjeunent ensemble, et personne ne se doute de rien. Il pourrait ainsi récolter beaucoup d’informations.
— Lequel des frères ? demanda Max.
— Je miserais sur le vilain petit canard, Roman. Il a essayé de suivre la voie de son frère, mais a échoué. Il a été recalé au recrutement des Bérets verts. Il a tenté sa chance pour le programme d’amplification psychique, mais son passé dissolu l’a disqualifié d’office. Sans l’intervention de Martin, il aurait très bien pu se faire mettre à la porte de l’armée comme un malpropre. Il n’est plus militaire et affirme désormais être étudiant et travailler à son compte, mais l’enquêteur de Lily n’a pas pu déterminer ce qu’il faisait.
— Étudiant où cela ? demanda Dahlia.
— À l’université de Rutgers, répondit Nicolas de sa voix paisible.
La jeune femme se retourna vivement et regarda son amant.
— C’est forcément lui. Comment pourrait-il s’agir d’une coïncidence ?
— Qu’est-ce que Rutgers vient faire là-dedans ? interrogea Max. Je sais que Jesse s’intéressait à cet établissement.
— Plusieurs chercheurs qui y enseignaient ont trouvé la mort. Le ministère de la Défense leur versait une allocation pour qu’ils développent une arme d’un genre nouveau.
— Donc il y a bien un lien entre l’enquête de Jesse et la fac de Roman Howard, résuma Kaden.
Dahlia recommença à faire léviter ses sphères, car l’énergie était en train de s’intensifier dans la pièce. Les hommes faisaient tout leur possible pour étouffer leurs émotions, mais, malgré leurs dons, ils n’étaient que des êtres humains.
— S’il s’agit bien de Roman et qu’il ne travaille pas pour le NCIS, comment a-t-il pu accompagner l’équipe de récupération jusqu’à la planque pour me tirer dessus ?
— Le plus probable, c’est qu’il les a suivis et qu’il s’est perché sur un toit pour voir l’emplacement exact de l’appartement. Une fois qu’il a su où tu étais, il a tiré et décampé, dit Kaden. En tout cas, c’est ce que j’aurais fait.
Elle lui adressa un pâle sourire.
— Très rassurant. Je crois que vous auriez tous besoin d’une bonne séance de psychanalyse.
Elle retourna les poignets et les sphères se mirent à léviter au-dessus de sa main.
— Il se fait tard, messieurs, et j’ai du travail.
Elle se leva, s’étira et remit les petites sphères dans sa poche tout en jetant un coup d’œil à la pile de photos. La première représentait une femme assise sur un banc en fer forgé au bord d’une rivière. Dahlia se figea. La femme était de dos, mais elle lui semblait familière. Tout comme la rivière. Elle leva des yeux remplis de chagrin vers Nicolas.
— Tekihila, mon amour, qu’y a-t-il ? On dirait que tu vas te briser en mille morceaux.
Dahlia redressa immédiatement les épaules.
— Vous voudrez bien m’excuser, mais je dois me changer.
Elle se dépêcha d’entrer dans la chambre qui lui servait de refuge, emportant les photos avec elle. Elle n’avait pas besoin de regarder pour savoir que Nicolas la suivait.
Il attendit qu’elle ait fermé la porte avant de prendre la photo en question.
— Qui est-ce ?
— Regarde attentivement. Regarde ce panier à tricot. C’est Bernadette. Elle est assise sur un banc au bord du Mississippi, à côté du Café du Monde, dit-elle d’une voix rauque.
— Roman la suivait.
— Comment ?
Elle se retourna pour le regarder, le visage si pâle que sa peau en paraissait transparente.
— Explique-moi comment il a pu découvrir l’existence de Bernadette.
Elle était si agitée que Nicolas sentait la chaleur monter dans la pièce. Des étincelles apparaissaient sur les rideaux et venaient lécher le bord des murs. Il lui arracha les photos des mains et les jeta sur le lit, puis la prit dans ses bras et la serra contre lui. Elle tremblait. Il baissa la tête et colla sa bouche contre son oreille.
— Nous pouvons le faire ensemble, Dahlia. Tu n’es plus seule, et nous résoudrons tous les problèmes qui se présenteront.
— Tu crois qu’elle m’a trahie et qu’ils l’ont tuée après s’être servis de ses informations ?
Elle était en colère. Tellement en colère qu’elle avait envie d’envoyer des boules de feu dans toutes les directions. Comment Bernadette avait-elle pu lui faire une chose pareille ? Et à Milly ? Pour quelle raison ? Dahlia avait plus d’argent qu’il ne leur en fallait à toutes les trois. Elles n’avaient jamais manqué de rien. Si elles achetaient quelque chose, le fonds d’investissement réglait la facture sans poser de questions.
— Tu réfléchis à l’envers, dit Nicolas en gardant un œil sur les flammes qui grandissaient et pourléchaient les murs. (Il voulait qu’elle se ressaisisse avant que l’incendie ne soit plus maîtrisable.) S’ils ont découvert ton existence au NCIS, ils ont également dû apprendre celle de Milly et de Bernadette. Tu étais impossible à suivre, car tes mouvements étaient trop imprévisibles, mais tes deux amies avaient une vie beaucoup plus réglée. Ils ont dû les filer pour qu’elles les mènent au sanatorium, et donc à toi.
Elle entendit le crépitement des flammes et prit une profonde inspiration pour se calmer.
— Je suis désolée, je sais que je ne devrais pas m’énerver comme cela. Tu as raison, bien sûr. J’aurais dû y penser moi-même, dit-elle en tournant son visage vers le sien. Si nous voulons arrêter le feu, tu ferais mieux de m’embrasser.
Il lui attrapa fermement le menton et abaissa la bouche jusqu’à la sienne.
— Quelle corvée.
Il la frôla doucement, à la fois séducteur et provocateur. Il lui mordilla la lèvre inférieure pour lui faire penser à autre chose. Pour la sentir frissonner dans ses bras. Il voulait sentir la pression de ses seins sur sa peau, et la douceur enivrante de son corps docile. Il ne s’agissait pas d’éteindre l’incendie, mais de le déplacer. Il voulait que les flammes s’allument en elle. En lui. Dans leur chair.
De ses dents, il titilla sa lèvre inférieure jusqu’à ce qu’elle ouvre la bouche et qu’elle laisse sa langue s’y introduire pour en prendre possession. Pour étouffer les flammes sur les murs et les faire réapparaître là où elles devaient être, mêlées à leur souffle. Il resserra ses bras autour d’elle et glissa impatiemment ses mains le long de son dos pour lui malaxer les fesses et la plaquer contre son entrejambe. L’énergie s’empara d’eux, comme elle le faisait toujours, et la tempête qui les secouait se transforma en enfer de feu. Il adorait la manière avec laquelle les flammes – et l’intensité de leurs deux bouches collées l’une à l’autre, chaudes, humides et affamées – dévoraient l’énergie.
Dahlia se sentait bien dans ses bras. Comme toujours, comme chaque fois. Parfois, lorsqu’il était assis loin d’elle, Nicolas sentait le sang glacé qui coulait dans ses veines et savait qu’il avait réussi à dominer ses émotions. Peut-être même trop. Mais il suffisait qu’elle tourne les yeux vers lui et qu’elle lui lance un regard brûlant pour qu’il se consume instantanément, secoué par toutes les émotions humaines.
Il fit remonter ses mains jusqu’en haut de son corps, les plaça autour de sa tête et l’embrassa, encore et encore. Certains de ses baisers étaient longs et langoureux, d’autres sauvages et torrides. Dahlia se dégagea la première et recula sa bouche de quelques centimètres.
— C’est à cause de l’énergie que tu m’embrasses comme cela ? Ou bien parce que tu en as envie ?
— Je dois t’embrasser. J’ai besoin de t’embrasser. Je ne m’en lasserai jamais. Si l’énergie réclame que nous trouvions des moyens de l’épuiser, je considère cela comme un bonus.
Il passa les doigts dans ses cheveux. Ils étaient toujours incroyablement brillants. Il en aimait la vue et l’odeur, et adorait les toucher.
— Je suis comme toi, Dahlia. Il est rare que je fasse des choses qui me déplaisent.
Elle se détacha de lui à contrecœur.
— Quoi qu’il en soit, tu as empêché l’incendie de se déclencher. Lily en sera contente, si c’est elle qui a loué l’immeuble à notre intention. Je vais regarder le reste des photos. J’y verrai peut-être d’autres détails familiers.
Il les lui passa.
— Nicolas ? Merci pour ce que tu as dit à propos de Bernadette. Je ne sais pas pourquoi j’ai tiré des conclusions aussi hâtives. Je crois que cette histoire avec Max m’a atteinte plus que je ne le pensais. Pourquoi Jesse et lui m’ont-ils caché qu’ils connaissaient le professeur Whitney ? Pourquoi ne m’ont-ils pas dit qu’il leur avait fait subir les mêmes expériences qu’à moi ?
— Tu n’as jamais vraiment parlé avec eux, fit-il prudemment remarquer. Vous avez tous été formés à garder des secrets. C’est la règle du jeu, Dahlia. Maxwell et Calhoun sont des agents du NCIS, et avant cela ils servaient chez les Navy SEALs. Ils ne risquent pas de parler à tort et à travers. Tu ne peux pas leur en vouloir pour ça.
Leurs yeux noirs se croisèrent. Pour la première fois, Nicolas pensa qu’elle ressemblait à la mystérieuse sorcière qu’elle avait la réputation d’être. Son regard avait quelque chose de magique et d’énigmatique.
— Si, je peux.
Elle prononça ces mots sur un ton qui donna envie à Nicolas de croire au vaudou et à la sorcellerie. Elle avait pris un accent cajun traînant, aussi lent et sexy que celui de Gator, mais teinté d’une note revancharde qui n’annonçait rien de bon. Un frisson le parcourut.
Dahlia baissa les yeux pour étudier les photos qu’elle tenait dans la main. Elle n’avait pas envie de penser à la trahison qu’elle avait subie. Cela déclencherait un nouvel incendie, ce qui entraînerait de nouveaux baisers et la priverait de la faculté de penser. Elle allait récupérer les documents dans quelques heures et ne pouvait pas se permettre de se déconcentrer. Elle se força à regarder les clichés. Plusieurs d’entre eux avaient été pris dans le Vieux Carré de La Nouvelle-Orléans. De toute évidence, le photographe avait voulu faire croire qu’il était en vacances. Beaucoup montraient le marché français où Milly et Bernadette avaient l’habitude de faire leurs courses. Il y avait même une photo de la mercerie où les deux amies se fournissaient en pelotes de laine.
Dahlia s’assit au bout du lit et étala les photos devant elle. L’une d’entre elles avait été prise devant une vitrine, dans laquelle le reflet du photographe apparaissait clairement. Elle la prit et l’étudia soigneusement.
— J’ai déjà vu cet homme.
— Comment peux-tu en être sûre ? L’appareil photo cache son visage.
Mais Nicolas observait la jeune femme. Dahlia était méthodique et très maîtresse d’elle-même lorsqu’elle le voulait. Elle était en train d’examiner la photo avec méticulosité. Si elle disait qu’elle avait déjà vu cet homme, il était certain que c’était vrai.
— C’est l’homme que j’ai vu à Rutgers, devant la porte du bureau du professeur Ellington. Je l’ai revu ensuite devant le bâtiment de Lombard Inc. C’est lui, j’en suis sûre. Je sais que c’est lui. Il a une manière particulière de tenir la tête, un peu penchée sur le côté, mais il observe tout. Il était en train de suivre. Bernadette, expliqua-t-elle en indiquant l’ombre d’une silhouette de femme qui se reflétait dans la vitrine. C’est elle. Elle porte son chapeau de soleil, ajouta-t-elle avec un bref et triste sourire. Elle appelait ça un béguin. Elle l’avait fait elle-même, elle adorait coudre et créer des choses.
Dahlia se força à interrompre ses divagations. Elle avait une boule dans la gorge.
Nicolas appuya ses lèvres sur les tempes de la jeune femme.
— Tu ne vas pas tarder à le coincer, Dahlia. J’espère qu’il sent ton souffle sur son cou.
Elle se retourna dans ses bras, presque à l’aveugle, instinctivement. Elle avait envie d’être dorlotée et consolée. À ce moment précis, elle se moquait de se reposer entièrement sur lui. Elle était juste reconnaissante qu’il soit là.
Nicolas se contenta de la tenir contre lui et de la bercer tendrement. Il savait qu’elle souffrait. Elle avait tout perdu, et l’insaisissable inconnu qu’elle venait de reconnaître était la source de ses malheurs. Nicolas avait besoin de son nom. D’une confirmation. Ensuite, il se mettrait en chasse.
— Tu ne peux pas, tu sais, dit doucement Dahlia.
— Je ne peux pas quoi ?
Le sniper enfonça ses doigts dans la chevelure de la jeune femme et caressa les mèches soyeuses pour tempérer son accès de colère, sa rage contenue à l’idée que quelqu’un ait si méthodiquement détruit la vie de Dahlia.
— Je sais ce que tu penses. Tu deviens très calme, très centré sur toi-même, et ton niveau d’énergie descend encore plus que d’habitude. J’ai compris. Ta colère est glaciale, pas bouillante, et tu la contiens. Tu la laisses s’accumuler et tu la mobilises quand tu en as besoin dans ton travail. Cet homme n’est pas ta cible. Ce n’est pas ta mission.
Nicolas se baissa pour déposer un baiser sur le sommet de son crâne.
— Je serai là cette nuit, Dahlia. Je ne veux pas te laisser pénétrer seule dans les locaux de Lombard. Tu ne nous verras et ne nous entendras pas, mais si tu as des ennuis, nous serons là pour t’en sortir.
Elle se détacha de lui avec une expression butée.
— Je ne t’ai pas accompagné dans ta mission. Si je sais que vous êtes là, ça ne fera que me déconcentrer.
— Tu as le droit de m’en vouloir, dit-il, et je comprendrai, mais cela ne me fera pas changer d’avis. Je suis honnête avec toi. Il m’est impossible de faire autrement.
— Qu’est-ce que je dois en déduire ? Que chaque fois que je partirai en mission, tu me suivras parce que tu penseras que je ne suis pas capable de gérer la situation ?
— Non, parce que c’est moi qui n’en suis pas capable. C’est une différence de taille. Peux-tu vivre avec ça ? Avec ce que je suis ?
Elle se détourna, mais il la saisit par le bras.
— Je te demande de comprendre ce que je suis réellement. J’ai mes propres défauts, Dahlia. Je risque d’être sacrément impossible à vivre par moments.
La jeune femme écarquilla les yeux de surprise. De terreur.
— Je n’ai jamais dit que je vivrais avec toi.
— Non, admit-il, mais ça viendra.
— Qu’est-ce que tu peux être arrogant, Nicolas. Tu ne peux pas savoir comme cela me crispe.
Il essaya de ne pas sourire.
— Je n’en doute pas.
Au moins, elle ne disait pas qu’elle n’accepterait jamais de vivre avec lui. Cela lui laissait l’espoir qu’elle ne s’évanouirait pas lorsqu’il lui parlerait de mariage. Ou qu’elle ne se sauverait pas à toutes jambes.
Elle jeta les photos sur le lit et fouilla dans ses affaires pour trouver quelque chose à se mettre. Lily avait pensé à remplacer tout ce que contenait la liste que Nicolas lui avait donnée pour elle, y compris ses tenues de travail et ses outils. Avec sa méticulosité habituelle, elle avait même ajouté tout ce qui lui avait paru utile. Dahlia était ravie du choix qui lui était proposé, ainsi que des vêtements solides dotés de nombreuses poches qui lui permettraient d’emporter tout le nécessaire et de garder les mains libres.
Elle se plaqua les cheveux en arrière et les tressa une deuxième fois, aussi serré que possible. Elle enfila ensuite une paire de gants fins et regarda Nicolas.
— Alors ? Puisque tu viens, tu ferais mieux de te préparer.
— Nous sommes déjà prêts. Le matériel est chargé dans les voitures. Tu veux une radio ?
Elle secoua la tête.
— Trop gênant. Je ne peux compter que sur moi-même, Nicolas. Je ne peux pas changer ma manière de procéder à quelques minutes d’une mission. Quand je pénètre dans un bâtiment, je dois croire en moi, pas me dire que vous serez là si les choses tournent mal. Je n’ai pas besoin qu’on vienne à mon secours. Si j’ai des problèmes, je les règle toute seule, dit-elle fermement en braquant sur lui un regard noir. C’est bien compris ?
— C’est parfaitement clair, répondit-il en attrapant le sac de la jeune femme et en sortant de la pièce.
Dahlia commença à le suivre, mais fit demi-tour pour regarder les photos éparpillées sur le lit. Elle en ramassa une et observa fixement l’homme qui avait orchestré le meurtre de sa famille. Il lui fallut quelques minutes pour se rendre compte que la température montait rapidement et que ses doigts noircissaient la preuve qu’elle aurait besoin de montrer au directeur. Elle jeta la photo loin d’elle et s’assit sur le lit pour regarder les autres. Elles avaient presque toutes été prises dans le Vieux Carré de La Nouvelle-Orléans. Mais que faisaient-elles chez Louise ?
— Dahlia ?
Max se trouvait dans l’embrasure de la porte et l’étudiait de ses yeux bleus perçants.
Elle leva le menton et inspira profondément pour se calmer. Elle avait énormément de mal à contrôler ses émotions au milieu de tant de personnes. Elle ne pouvait pas imaginer ce qu’eux ressentaient avec elle.
— Qu’y a-t-il, Max ?
— Je voulais te dire que j’étais désolé. J’ai beaucoup réfléchi à ce que tu as dû vivre, et tu as raison, j’aurais dû te parler du professeur Whitney. Tu connais les problèmes liés à l’expérience, tous les inconvénients que nous subissons lorsque nous utilisons nos capacités, et les difficultés que nous éprouvons à bloquer les émotions extérieures. Tu en sais probablement plus que nous. (Ses doigts pianotèrent sur la porte.) En fait, on nous a avertis que quelqu’un cherchait à nous tuer tous. Que cette personne savait ce que nous étions et qu’elle avait déjà éliminé d’autres gens comme nous.
Il pointa le menton en direction de la pièce voisine, où l’on pouvait entendre les rires et les plaisanteries des GhostWalkers.
— Des membres de leur équipe ont été assassinés, et nous n’avions pas envie d’être les suivants sur la liste. Nous avons donc disparu de la circulation et avons enfoui les informations nous concernant le plus profondément possible. L’amiral Henderson nous y a aidés.
— Et vous ne vous êtes pas dit que j’étais en danger ?
— Nous aurions dû, Dahlia. Nous aurions dû faire le nécessaire pour te protéger, toi aussi.
Elle savait qu’il était inutile de poser la question. Elle en connaissait déjà la réponse, mais elle ne put s’en empêcher.
— Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
Max baissa les yeux sur ses mains, serra les poings et la regarda droit dans les yeux.
— Nous avons été formés ensemble, et nous nous faisions confiance mutuellement. Tu étais un facteur inconnu. Tu as des pouvoirs et des problèmes différents des nôtres, et nous n’étions pas totalement sûrs que tu ne nous trahirais pas.
— Tu ne le sais toujours pas, Max.
C’était un couteau, décida-t-elle. Il venait de lui plonger sa lame dans le cœur. Elle aurait voulu pouvoir rester froide et distante et ne rien ressentir. La douleur était tout aussi dangereuse que la colère. Il était risqué, et même périlleux pour quelqu’un comme elle, de s’approcher des gens.
— Si, je le sais, Dahlia, et j’aurais dû m’en rendre compte il y a plusieurs mois. Jesse également. Nous nous sommes trompés. Je sais que cela ne te consolera pas, mais il fallait que je te le dise, au moins pour que tu saches ce que je ressens.
Elle ne savait pas si elle devait le remercier ou lui cracher au visage. Elle ne pouvait que rester là, impuissante, à se demander s’il était possible de se désintégrer de l’intérieur.
— J’espère que tu te sens mieux après cette confession, Maxwell, dit Nicolas, d’une voix basse et agressive qui fit frissonner Dahlia. D’accord, tu ne l’as pas traitée de monstre, mais le résultat est le même, tu ne crois pas ? Et tout ça pour quoi ? Ta petite tirade n’a fait du bien qu’à toi, pas à Dahlia. Tu vas pouvoir rentrer chez toi en te disant que tout devrait s’arranger puisque tu t’es excusé.
Dahlia se détourna des deux hommes. L’air crépitait autour d’elle, comme si l’énergie venait de prendre vie sous la forme d’une hydre. Les deux soldats se faisaient face avec des regards glacials et une colère nourrie par la violence de la tempête qui grandissait tout autour d’eux.
Elle passa en trombe entre eux, effrayée par les flammes qui dansaient sous ses paupières. Par la colère qu’elle ressentait à l’encontre de Max, de Jesse et de l’amiral. Elle avait passé une grande partie de sa vie à apprendre à se maîtriser, mais, entourée de tant de gens et d’émotions aussi violentes, la tâche paraissait impossible. Elle faillit rentrer dans Kaden. Il l’attrapa par les épaules pour l’empêcher de tomber, et la pression se relâcha aussitôt.
— Respire, Dahlia. Sors de l’appartement si tu en as besoin. C’est ce que nous faisons quand nous sommes en surcharge. Tu as parfaitement le droit de t’isoler. Ce n’est pas parce que tu te trouves dans une maison avec plein de monde que tu n’as pas le droit à ton intimité.
Il l’accompagna jusqu’à la porte, qu’il ouvrit pour faire entrer l’air de la nuit.
— Lily est une femme incroyable. Elle a grandi dans un luxe royal, elle évolue dans le grand monde comme un poisson dans l’eau et connaît tous les grands acteurs de la finance internationale. Elle pourrait discuter avec le président des États-Unis sans ressentir la moindre gêne. Elle l’a déjà fait, d’ailleurs, mais quand elle sent qu’elle a besoin de sortir pour s’isoler, elle le fait. C’est l’une des premières règles qu’elle nous a enseignées lorsque nous devions nous rendre à une soirée. En plus, cela donne un air mystérieux et intrigant.
Dahlia rit.
— J’aurais l’air franchement mystérieux et intrigant si je mettais le feu à la Maison Blanche. Quelque chose me dit que c’est un milieu que je ne risque pas de fréquenter.
Kaden lui sourit.
— Tu imagines les services secrets se mettre en chasse du pyromane, tandis que tu es assise innocemment à la table du président ?
— Merci, Kaden.
Elle tourna les yeux vers la nuit. Les nuages tourbillonnaient dans le ciel et l’assombrissaient encore plus. Le vent sifflait entre les bâtiments et couchait presque la végétation sur le sol.
— Tu as vu ça ? D’où sort cette tempête ? J’ai regardé la météo tout à l’heure, et ils n’ont évoqué que l’éventualité d’un orage. Les météorologues ont vraiment le don de se tromper à tous les coups. Tu crois que d’autres choses peuvent mal tourner cette nuit ?
Kaden se retourna pour regarder Nicolas qui arrivait derrière la jeune femme, puis hocha la tête.
— Oui, je dirais que nous ne sommes à l’abri de rien.
Dahlia devina la présence de Nicolas à l’étrange réaction de son corps, qui sembla s’éveiller à son approche. À la dissipation de l’énergie. À l’immobilité de Kaden. Elle refusa de se retourner et continua de contempler la nuit.
— Tu n’as pas fait de bêtise, j’espère ?
— Non, mais j’en avais très envie, répondit-il honnêtement. Je suis désolé, je n’ai rien arrangé en me mettant en colère, n’est-ce pas ?
— Non, mais au fond de moi, j’étais contente que tu dises tout cela.
Nicolas passa le bras autour de ses épaules.
— Le temps est un peu menaçant. Nous devrions peut-être repousser l’opération jusqu’à ce que la tempête soit passée.
— Non, elle sera peut-être à notre avantage. Et je veux en finir.
— Très bien, dans ce cas, allons-y. Tu es prête ?
— Aussi prête que je ne le serai jamais.